« Entrez sans faire d’histoires et dépêchez vous ».
Deinos poussa sans ménagement Hanna devant lui. Celle-ci le visage figé dans une parfaite expression d’horreur regarda les quatre femmes autour d’elles. Ni Maïwenn, ni Aifé, ni même Aelis n’arrivèrent à la rassurer. On était venues les chercher au milieu de la nuit alors que tous dormaient alentour et on les avait menées jusqu’à la sale du conseil. Un jugement dont elles feraient l’objet se préparait. Aelis chercha Andreia du regard. L’être fée lui sourit mais ne pu masquer l’inquiétude qui l’animait. Cette fois, elle ne présiderait pas le conseil. Deinos mènerait la danse.
Les grandes portes s’ouvrirent. Les conseillers prirent place sur leurs sièges séculaires. Les damnées se trouvèrent au milieu des êtres fées. Des regards bienveillants. Des regards hostiles. Des regards méfiants. Tant de paires d’yeux guettant leurs moindres gestes. Aifé gardait les poings serrés, Hanna baissait la tête, Maïwenn cherchait désespérément un visage auquel se raccrocher dans cette foule hostile. Aelis avait plongé son regard dans celui de Deinos. A n’en pas douter, il était l’instigateur de cette réunion. Elle le défiait. Le centaure lui lança un regard empli de mépris et monta sur l’estrade si souvent occupée par Andreia.
« Hanna de Govanonn, Maïwenn de Lochnohan, Aifé de Gorneval, Aelis de Vortiguern, commença t’il sans attendre, vous vous êtes introduites dans notre cité sans aucune autorisation et de ce fait violé nos lois ancestrales. Il n’existe qu’une sentence qui s’applique à vos actes : la mort »
Un murmure de désapprobation envahit la salle. Deinos sourit, sur de son effet.
« Néanmoins, ajouta t’il en lançant à Andreia un regard circonspect, certains d’entre nous se sont imaginés que notre destin reposait entre vos mains et que vos vies auraient donc quelque importance …Les plus fous d’entre nous osent même prétendre que vous seriez capables de venir à bout d’Afang et des dragonides. Personnellement, je n’y crois pas une seule seconde et il me semble que je ne suis pas le seul. Mais nous ne demandons qu’à vérifier talents. Pour cela, nous avons mis au point une série d’épreuves …Réussissez les et nous vous laisserons poursuivre votre péril sans encombre. Echouez à une seule d’entre elles et vous mourrez
- Qu’il en soit ainsi, répondit Aelis avec aplomb, je suis impatiente de savoir quel sort vous nous avez réservés. Nous sommes investies d’une mission et nous vaincrons quoi que vous fassiez »
Le centaure ricana.
« Présomption futile, orgueil démesuré. Vous êtes la digne héritière des Vortiguern. Pensez vous réellement venir à bout de nos épreuves ? N’êtes vous pas consciente que vos vies sont en jeu ? »
Aelis se redressa. Entendre son nom avait rouvert la blessure …son parjure. Son visage pâlit un bref instant mais elle fit face droitement.
« Cher Deinos, répondit elle avec un léger sourire, vous savez pertinemment que je ne crains rien ni personne même pas vous… »
Des cris emplirent la salle. On hurla au scandale. On soutint la guerrière osant défier le plus fort d’entre tous.
« Nous vaincrons » renchérit fièrement Aifé.
Hanna lança à Maïwenn un regard apeuré. Celle-ci se pencha vers Aelis et lui murmura :
« J’espère que vous savez ce que vous faites car si ce n’est pas le cas, nous courrons droit à notre mort »
Elle hocha la tête un bref instant et reprit :
« Mais si nous échouons, il serait excessif de nous faire passer de vie à trépas toutes les quatre. Si l’une de nous décède, notre quête prendra fin quoi qu’il arrive ...
-Si je comprends bien votre démarche, vous allez me proposer de n’exécuter que l’une d’entre vous, l’interrompit le centaure sans ménagement, et je suppose que vous vous proposerez »
Aelis sourit lorsque le regard de ses trois compagnes d’infortune.
« Vous lisez dans mes pensées » répondit t’elle simplement.
Angus sourit.
« Je savais que vous alliez me proposer ce compromis princesse de Vortiguern. Néanmoins, il n’en ira pas ainsi »
Il se tourna vers les grandes portes. Sa voix de stentor résonna dans la pièce comme un funeste glas.
« Emmenez le »
Les portes s’ouvrirent. Deux centaures entrèrent dans la pièce. Ils poussaient devant eux Guielin. Le jeune homme, les yeux rougis par le sommeil, les cheveux en désordre, il ne semblait pas comprendre ce qui lui arrivait. En le voyant, Hanna poussa un cri d’horreur et voulut s’interposer mais Maïwenn la retint juste à temps.
Aelis se sentit prise de vertige mais se força à paraître calme :
« Relâchez le, murmura t’elle, il n’a rien à voir avec notre affaire »
Mais Deinos secoua la tête.
« Cette fois, je prends les décisions. Echouez à une seule des épreuves et il perdra la vie. Si cela ne vous plait pas, nous vous tuerons tous. C’est aussi simple que cela »
Un grand silence s’abattit dans la salle.
Deinos sourit. La guerrière était meurtrie jusqu’au plus profond de son âme. Il le voyait dans ses yeux soudain hagard, ses joues si pâles. Elle ne résisterait pas longtemps. Bientôt, il marcherait sur son cadavre. Avant tout, annoncer les épreuves, il en mourrait d’envie.
« Maïwenn de Lochnohan. Tu pavanes en altitude avec ta machine volante. Tu te sens invincible. Mais parviendras tu à gravir sans entraves et sans aide extérieure notre plus grand arbre ? Quand à toi, Hanna de Govannon, tu comptes sur les autres pour te protéger. Mais pour l’épreuve qui te concerne, tu vas devoir te battre seule. Tu as de la chance, c’est moi que tu vas devoir affronter. Aifé de Gorneval, tu penses que la lecture ne te sera jamais indispensable. Tu te trompes, dès maintenant, elle te permettra de survivre. Pour toi, un parcours semé d’embûches dont tu ne pourras sortir qu’en lisant. Et toi, Aelis, quelle sort ignominieux t’avons-nous réservé ? Tu crois pouvoir l’affronter sans te plaindre ? Mais sauras tu voir tes compagnes risquer leur vie sans intervenir ? »
Une clameur emplit la salle. Certains poussaient des cris de joie, d’autres des cris d’horreur. Une voix s’éleva, plus forte que les autres. Andreia réclamait le silence.
« Attendez »
Deinos fit taire l’assemblée. Après tout, elle avait déjà perdu.
« Je réclame un délai. Elles ont besoin de temps pour se reposer et s’entraîner. Vous ne pouvez leur refuser cela. C’est inscrit dans les lois ancestrales »
Il hocha la tête. Si cela lui faisait plaisir.
« Je leur laisse quatre jours. Pas un de plus »